Cette semaine j’ai reçu une très belle surprise de la part de mon amie Akemi, qui m’a envoyé un colis du Japon. Aux côtés des portes bonheurs, livres et papiers d’origamis, il y avait un ravissant yukata !

D’un profond bleu nuit, ce yukata est orné de lucioles, un motif typiquement japonais, parfaitement adapté pour la saison de l’été. Il s’accompagne d’un obi réversible, d’un coté jaune de l’autre violet, très pratique pour faire des jeux de couleurs en le nouant.
La luciole (蛍 = hotaru) est un motif très populaire au Japon encore aujourd’hui. Le pays étant constellé de cours d’eau (fleuves, étangs, rizières), c’est un endroit propice au développement de ces petits insectes, qui dès l’arrivée de l’été forment une étrange pluie d’or dansant à la nuit tombée, sous l’œil émerveillé des promeneurs nocturnes qui viennent les admirer, un peu à la manière de la contemplation des cerisiers en fleurs au printemps (お花見= ohanami) ou des feuilles d’érables rougies à l’automne (紅葉狩り= momijigari).
Pour comprendre cet engouement, il faut remonter à la fin de la période Nara, aux alentours de l’an 760, pour que les lucioles apparaissent comme un symbole littéraire avec la parution du Man’yoshu (la plus ancienne et célèbre anthologie de poésie japonaise). À cette époque la luciole est alors utilisée comme métaphore de l’amour passionné et courtois. Cette image sera abondamment utilisée de façon plus légère dans les haiku jusqu’à la fin de l’ère Edo (1603-1867).
Cependant la luciole revêt également une autre symbolique, propre à la région du Sud-Ouest japonais. Elle évoque là-bas directement la funeste bataille navale de Dan-no-ura, qui eut lieu le 25 avril 1185 dans le détroit de Shimonoseki (au large de la pointe sud de Honshū). Menée par le clan Minamoto, il décima la flotte Taira, après une demi-journée de combat maritime, ce qui mis fin à la dynastie Heian. Depuis, les habitants de la région ont coutume de voir en la luciole flottant au dessus du fleuve, une manifestation de l’âme des guerriers Taira ayant péri lors de cet événement.
Si je ne me trompe pas, cette signification connaîtra un regain de popularité à la suite de la seconde guerre mondiale, pour symboliser l’âme des soldats morts au combat à l’instar des kamikazes. Cette image sera largement popularisée d’abord par le roman semi-autobiographique d’Akiyuki Nosaka: “La tombe des lucioles” (火垂るの墓 = Hotaru no haka) en 1967, puis par l’adaptation en animé d’Isao Takahata en 1988.
Enfin, d’une façon plus générale qui regroupe toute les significations évoquées plus haut, à l’heure actuelle la luciole peut être vue symboliquement comme une métaphore de la fugacité de la vie, comme dans la chanson populaire 蛍の光 = Hotaru no Hikari.
Pour l’occasion j’ai même testé une variante du nœud de obi !

J’espère que vous aurez aimé en apprendre un peu plus sur la symbolique de la luciole au Japon.
Et si je suis sage Père Noël devrait m’apporter un pied pour mon appareil photo, ce qui devrait me permettre d’illustrer plus facilement ce genre d’articles !