Suite à mon article sur le vernissage de l’exposition: “le Japon au fil des saisons”, j’ai eu envie de partager avec vous quelques notes grappillées durant la visite, au sujet de ces différentes écoles de peintures.

Le Courant Nanga (peinture du sud):
Il est apparu dans la région du Kansai au début du XVIIIe siècle, fortement influencé par la peinture chinoise appelée au Japon Bunjinga (peinture de lettrés). Rappelons qu’un siècle plus tôt fut introduit au Japon le “néo-confucianisme” qui imprégna toutes les classes de la société japonaise. Mais suite à l’édit de 1635, le Japon coupe en grande partie ses échanges avec le reste du monde, marquant de même une évolution au niveau de la peinture, par un manque d’accès à la culture Chinoise . En effet alors que le Bunjinga est principalement une peinture monochrome représentant des paysages, les peintres Japonais vont peu à peu introduire de nouveaux éléments comme des fleurs, des personnages, des animaux… et y introduire des éléments colorés, comme au temps de la dynastie Ming.

Au début du XVIIIe siècle le courant Nanga atteint son apogée à Kyôto, avec les peintres Ike no Taiga (1723-1776) et Yosa Buson (1716-1783). Sa popularité est telle que des peintres comme Nakayama Kôyô (1717-1780) et Okamoto Shŷki (1807-1862) vont exporter le style dans la région du Kantô, où le maître Tani Bunchô (1763-1840) avec ses connaissances de la gravure occidentale va favoriser son essors.

Lune éclairée par une nuit d’automne – Tani Bunchô

 

Ecole Maruyama-Shijô:
A partir de 1720, l’interdiction d’importer des ouvrages occidentaux est levée par le shôgun Tokugawa Yoshimune. Avec l’arrivée de ces divers ouvrages traitant aussi bien d’astronomie, de médecine que de botanique…, c’est non seulement la perception scientifique japonaise qui se trouve modifiée, mais également la vision picturale. En effet l’importation de la chambre noire, va faire découvrir aux Japonais les grands principes de la perspective occidentale.

Ce sont des artistes comme le jeune Maruyama Okyo (1733-1795) qui vont grandement contribuer à l’émergence de ce nouveaux style pictural. Après un apprentissage à Kyôto du style Kanô auprès du maitre Ishida Yûtei, Okyo commence peut à peu à se détacher su style académique, et fonde à Kyôto un atelier basé sur le Shaseiga (“peinture réelle”), où domine l’étude prise sur le motif, ajoutant le rendu “atmosphérique” qu’il pouvait manquer à la rigoureuse école Kanô, et pour ce faire Okyo introduit dans la peinture japonaise les volumes, la perspective linéaire, ainsi que les ombrages…
De plus la peinture d’Okyo est très influencé par la peinture chinoise Ming, où les fleurs et oiseaux arborent un style très coloré.
C’est son sens du réalisme, allié à un gout décoratif prononcé, qui fera la renommé d’Okyo, très prisé à l’époque par les riches marchands.

Lors de son décès Okyo, compte de nombreux disciples tels Matsumura Goshun (1752-1811) qui ouvrira à la mort de son maître une école dans le quartier de Shijô-Takamura, qui donnera son nom à l’école Shijô, courant qui respect les principes établie par le maître Okyo.

Paon et pivoines – Maruyama Okyo

L’Ecole Mori:
Cette école fondée par Mori Sosen (1747-1821), adopte le réalisme d’Okyo.
Mori s’intéresse à la représentation animalière, portant une attention particulière aux singes, qu’il peindra dans de multiples attitudes toujours empreintes d’humour.
C’est son neveu et fils adoptif Mori Tetsuzan (1775-1841) qui introduira ce style à Edo.
Notons que l’élève formé par Mori Tetsuzan, un certain Mori Kansai (1814-1894) sera l’un des grands artistes réformateur de la peinture japonaise durant l’ère Meiji (1868-1912)

Singes dans les pins devant une cascade – Mori Sosen


L’Ecole Kishi:
Elle connait une grande renommée à Kyôto, de la fin de l’époque Edo au début de l’ère Meiji, son influence est telles qu’à la fin du XIXe siècle, elle jouera un rôle essentiel dans le renouveau de la peinture japonaise.
Fondée par Ganku (1749-1838) et poursuivie par son fils Gantai (1782-1865) ainsi que par son gendre Renzan (1804-1859), elle se caractérise par un style éclectique associant le courant réaliste de l’école Shijô à des éléments picturaux chinois dans un pinceau vigoureux, avec pour thème de prédilection les représentations animalières, notamment les oiseaux et les tigres.
C’est Kishi Chikudô (1826-1897) l’un des principaux maître de ce style qui posera les principes modernistes du courant Nihonga.

Cacatoès sur une branche d’érable en automne – Ganku
Le Courant Rinpa:
Ce style pictural à l’aspect décoratif va naître à Kyôto au XVIIe siècle grâce et au maître calligraphe, laqueur et céramiste Hon’ami Kôetsu (1558-1637), et peintre Tawaraya Sôtatsu (première moitié du XVIIe) qui va complètement renouveler le genre picturale dicté par l’école Tosa.
En effet non seulement Sôtatsu utilise de nouveaux matériaux “nobles” comme les lavis d’or et les pigments minéraux, utilisant les techniques picturales tels les aplats géométriques ou les motifs peints selon la méthode Tarashikomi (Encre et pigments saturés d’eau et travaillées en superposition, donnant un effet de contours flous, ce qui donne une illusion de volumes), mais il révolutionne également les thèmes abordés par la peinture, s’appuyant sur les illustrations de la littérature classique.
Le peintre Ogata Kôrin (1658-1716) et son frère potier Ogata Kenzan (1663-1743), fascinés par les romans et poèmes classiques seront durant la période Edo les principaux successeurs du style  initié par Sôtatsu, figurant des scènes tirées de ces textes à l’aide d’éléments symboliques.
Enfin dernier acteur de ce courant, le jeune frère du seigneur d’Himeiji: Sakai Hôitsu (1761-1828) qui se passionne pour l’artiste Kôrin, au point de promouvoir les travail des deux frères d’Edo en publiant “Cent peintures de Kôrin” et “Peintures et Calligraphies de Kenzan”.
Cependant, Hôitsu finira par rejeter l’abstraction décorative de Sôtatsu et de Kôrin, préférant une approche plus naturaliste et conforme aux aspirations de son époque.
La Sente au lierre du Mont Utsu – Sakai Hôitsu
Le Courant Nihonga:
Le terme Nihonga est employé pour définir la nouvelle peinture japonaise qui émerge à la suite de l’abolition des domaines féodaux, privant alors les deux écoles officielles Kâno et Tosa de leur supériorité.
Avec la restauration impériale de Meiji, le Japon sort de son isolement, et afin de pouvoir entrer sur la scène picturale internationale il va moderniser ses techniques en adoptant celles enseignées en occident. Dans ce soucis de modernité, le gouvernement de Meiji autorise officiellement l’enseignement de la peinture à l’huile au coté des techniques traditionnelles, au sein de nouvelles école d’art telles “l’école technique d’art” de Tôkyô, ou “l’école préfectorale de peinture” de Kyôto. Rapidement ces écoles deviennent des lieux d’échanges et d’influences, sous l’enseignement de maîtres comme Kôno Bairei (1844-1895) ou Suzuki Shônen (1849-1918)  permettent l’émergence d’une nouvelle peinture.
Lune dans les Nuages – Suzuki Shônen
Commissaire d’exposition : Christine Shimizu

Lien:
 Présentation de l’exposition 
– Musée Cernuschi