Il y a presque 15 ans dans ma campagne natale, je rentrais au lycée et pour l’un de mes premiers sujet d’arts plastiques, j’avais choisit de travailler sur l’oeuvre emblématique d’Hokusai : La Grande Vague de Kanagawa…  

C’est donc avec la plus grande impatience, que je me suis rendue en famille à l’exposition événement de cet hiver sur Hokusai, au Grand Palais.
Il est assez difficile pour moi d’écrire ce billet tant le sujet a fait couleur beaucoup d’encre dans la presse ces derniers mois, mais je vais quand même tenter de vous livrer quelques impressions.

Cette incomparable rétrospective du Maître présente plus de 500 dessins, gravures et peintures sur une multitude de supports différents, allant du luxueux panneau de soie au simple papier de sac à gâteau. Il aborde une surprenante variété de thèmes : portrait d’acteurs célèbres, geisha ou samouraï, paysages, créatures surnaturelles, ou simple scènes de mœurs pittoresques représentant des petits artisans (tonneliers, vendeurs) au travail…
C’est réellement tout un pan du Japon de l’ère Edo qui se dévoile sous nos yeux.


L’exposition s’organise autour de trois grands axes :
– “Hokusai et la France”, où est brièvement abordée sa découverte par les l’artistes Français tel Bracquemont, Gallé ou Goncourt, et l’influence que sa peinture aura sur les peintres comme Monet ou Van Gogh, apportant à ces artistes une nouvelle vision du cadrage et de la composition, et lançant ainsi le mouvement du Japonisme.
– “La Manga”, cette oeuvre monumentale de 3900 croquis d’Hokusai, regroupés en 15 carnets. A l’origine destinés au jeunes étudiants en peinture, ce véritable objet de délectation devient vite très prisé des collectionneurs.
– “La vie d’Hokusai”, un parcours chronologique permettant d’apprécier l’évolution du style du peintre suivant les six grandes périodes de sa vie.

Comme souvent dans ces grandes expositions les photographies sont interdites, je ne vais donc pas commenter chaque étape du parcours, je vous laisse le loisir de les découvrir par vous même.

Concernant mon ressenti personnel sur l’exposition, je suis un peu mitigée.
Si le nombre faramineux d’œuvres présentées a de quoi donner le vertige, il n’y a en revanche que très peu de panneaux explicatifs et anecdotiques. Rappelons que certaines estampes présentent également un caractère humoristique, ou folklorique faisant référence à une culture typiquement japonaise qu’il aurait peut être été intéressant d’expliquer au un public européen. Je trouve donc dommage qu’il n’y ait pas eu un peu plus de contenu théorique pour compléter cette magnifique exposition.
Je suis intimement convaincue que la peinture d’Hokusai est un art qui se ressent, nécessitant de prendre son temps, passant plusieurs longues minutes à l’observer pour mieux apprécier… mais au vu de la foule présente c’était évidement une chose impossible. Et j’ai parfois eu le sentiment au cours de l’exposition que tout avait été fait au Grand Palais pour faire passer le plus grand nombre de visiteurs à la minute.

Je suis tout de même ravie d’avoir pu voir de mes propres yeux certaines de mes œuvres favorites, d’autant plus qu’il s’agit probablement de la dernière fois que certaines estampes du Maître viennent en France, puisqu’à compter du printemps 2016 devrait ouvrir à Tokyo le musée Hokusai, et que la plupart de ces œuvres ne quitteront plus dès lors le territoire nippon.

Enfin si il y a une chose que je retiendrai c’est l’ambiguïté dans laquelle nous plonge Hokusai dès que l’on s’interroge un peu sur sa vie.
En effet non seulement la vie même du peintre est difficile à retracer puisqu’il changea régulièrement de nom et de style pictural, mais également car il déménagea pas moins de 93 fois au cours de sa vie !
Il fut considéré comme une figure rebelle, car il préférait se consacrer à sa peinture comme il l’entendait, plutôt que d’effectuer des commandes formelles pour des mécènes ou des représentants du gouvernement. Si cela lui valut de s’attitrer la sympathie du public, il n’en fut pas de même parmi les hauts noms de la profession, qui le reléguèrent au rang d’artiste marginal.
Pendant longtemps, la peinture d’Hokusai fut classée très bas sur l’échelle de l’art, les autres artistes jugeant les sujets traités comme triviaux et vulgaires (il faut rappeler qu’au Japon le dessin et l’estampe étaient considérés comme des genres mineurs)
Il faudra attendre la fin du XIXe siècle, et que des artistes français s’éprennent de l’art japonais, pour que les œuvres d’Hokusai se diffusent dans toute l’Europe, et pour qu’elles gagnent peu à peu leurs lettres de noblesse. Bien que l’artiste aie acquis aujourd’hui une renommée mondiale – c’est probablement l’un des peintres Japonais le plus connu au monde, et qu’il soit très apprécié tant par les spécialistes du genre que par les jeunes artistes, le gouvernement Japonais n’a pourtant élevé que trois de ses œuvres au rang de trésor national.

Vous l’aurez compris, la vie de l’artiste est aussi captivante que ses œuvres, et la première chose que nous avons envie de faire à la sortie de cette magnifique exposition, c’est d’en savoir un peu plus sur l’homme lui-même. Je vous recommande donc à ce sujet, en plus des fabuleux livres édités à cette occasion, l’excellent documentaire de Jean-Pierre Limosin : Visite à Hokusai.

 

Commissaire d’Exposition: Mr Seiji Nagata

Lien: 
– Hokusai au Grand Palais