Exposition Kunihiko Moriguchi – Vers un ordre caché
Si Kunihiko Moriguchi avait déjà donné une conférence autour de la problématique « innover dans la tradition »à la MCJP en 2015, c’est en revanche la première fois que lui est consacré une exposition d’une telle ampleur en France, retraçant 50 ans de créations. En effet, « Vers un ordre caché » réunit un ensemble exceptionnel de pièces uniques composé de 26 kimonos, allant du premier qu’il a créé en 1967 à celui tout spécialement conçu pour cet événement. Seront également visibles 11 de ses peintures : à la fois subtiles et rigoureuses, ces œuvres sur papier japonais sont réalisées avec la technique de la teinture yûzen, et rendent compte à merveille d’une quête inassouvie de perfection. Enfin vous pourrez admirer certaines de ses créations touchant aussi bien les domaines du design que des arts appliqués, à l’image de ses collaborations avec les grands magasins Mitsukoshi ou la Manufacture nationale de Sèvres, témoignant brillamment qu’il parvient à appliquer également ses recherches graphiques à des supports incarnant la vie quotidienne tel que sacs de course ou tasses à café.
Biographie :
Né en 1941, Kunihiko Moriguchi est le fils d’un illustre représentant le la teinture yûzen élevé au rang de Trésor National Vivant en 1967 : Kako Moriguchi. Il passe son enfance à Kyoto, où il étudie le Nihonga (peinture traditionnelle japonaise) dans la prestigieuse Université des Arts de Kyoto, et obtiendra son diplôme en 1963.
L’audace dont fait preuve Moriguchi, en apposant des formes contemporaines directement inspirées par les arts graphiques occidentaux à la structure immuable du kimono, réinvente totalement ce vêtement ancestral, et c’est précisément qui séduira le public à travers le monde.
Cela lui vaudra de décrocher de nombreuses récompenses et distinctions tout au long de sa carrière. Comme, en 1973, le Prix Asahi Shimbun lors de la 20e exposition des arts traditionnels du Japon. Puis en 1992, celui des Beaux-Arts du Ministère de l’Éducation du Japon. Avant de recevoir en 2001 la médaille d’honneur au ruban pourpre, puis d’être tout comme son père désigné à son tours « Trésor national vivant » en 2007.
Ses kimonos connaissent aujourd’hui un véritable succès et sont acquis aussi bien par les plus hautes personnalités et les musées de son pays qu’à l’étranger (Victoria and Albert Museum à Londres, Metropolitan Museum of Art à New York, LACMA à Los Angeles…).
Moriguchi et le yûzen :
C’est à l’âge de 28 ans qu’il se fait connaitre avec un kimono nommé senka dont le design se compose d’hexagones reliés entre eux par des zigzags. Grâce à l’augmentation de l’épaisseur du trait, il parvient à créer un effet d’optique. Une idée originale qu’il ne cessera de développer tout au long de sa vie à travers ses différentes œuvres.
Son style se caractérise par des motifs géométriques déployés en un mouvement dynamique avec l’apport d’un effet moucheté produit par le saupoudrage de pâte de riz (maki nori). Cette manière innovatrice d’aborder le kimono ne perd pas de vue sa finalité : loin d’être une toile, celui-ci se plie, s’ajuste et se sculpte autour du corps féminin pour le mettre en valeur et en souligner la sensualité.
Kunihiko Moriguchi déclarera même à propos de son art : « Dans la confection d’un kimono, on est tour à tour peintre, teinturier, sculpteur façonnant le corps de la femme. Mais aussi cinéaste quand le kimono est emporté par le mouvement de celle-ci. Un kimono n’est qu’un simple objet. Mais, quand il est porté, le dessin s’anime, la dynamique du corps le transfigure. Les motifs s’étirent et se contractent. Souvent, je suis moi-même surpris du résultat ».
Rappelons qu’au Japon le titre de « trésor national vivant » (qui fut créé dans les années 50, afin de préserver les arts et techniques traditionnelles menacées par les bouleversements sociaux de l’après guerre sous l’occupation américaine et par l’apparition des technologies modernes) est attribué à une personne reconnue comme dépositaire d’une technique traditionnelle à préserver. Ce « trésor national vivant » a donc pour mission non seulement de perpétuer ce savoir-faire identitaire, et de former des disciples pour assurer une continuité artistique, mais également de l’enrichir afin qu’il trouve sa place dans la société actuelle. Il s’agit donc d’une grande responsabilité à la fois individuelle et collective.
Voici donc une magnifique exposition à visiter pour en découvrir un peu plus sur l’un des rares maîtres de la teinture yûzen, qui a dévoué sa vie à réinventer et moderniser le kimono. Et qui, à 75 ans et malgré plus de 50 années de création à son actif, n’a rien perdu de son enthousiasme et de sa passion, et de surcroît a su garder tout sa simplicité chaleureuse.
Lieu: Maison de la Culture du Japon à Paris
101 bis, quai Branly – 75015 Paris
Tél: 01.44.37.95.01
Site: http://www.mcjp.fr/