Il y a quelques semaines j’ai eu l’occasion de participer à l’étonnant projet de Florence Rivière intitulé: Sigilí, où elle photographie les cicatrices des gens en leur demandant de raconter leur histoire.

Voici donc les photographies que nous avons ensemble et quelques fragments de mon histoire, qui vous aideront certainement à mieux comprendre le pourquoi et comment de mes carnets de doodles et de ma série à coeur ouvert.

« Ce qui est amusant quand les gens les voient ces petits trous sur mes poignets, c’est qu’ils me demandent très souvent si ce sont des brûlures de cigarettes…alors qu’en fait ce sont seulement des cicatrices laissées par les perfusions lors de mes nombreuses hospitalisations. »
« En fait j’aurais bien une petite histoire à raconter pour chacune de ces marques sur mon corps. Pourtant toutes ces cicatrices ne sont que les diverses chapitres d’une même histoire, celle de mon combat quotidien avec le Syndrome d’Ehlers-Danlos Hypermobile. C’est une maladie génétique rare du tissu conjonctif, qui touche principalement le collagène, ce qui entraîne de nombreux problèmes dans tout l’organisme. Bien que cette maladie soit dite invisible, certain symptômes comme la fragilité excessive de la peau, qui laisse une marque indélébile au moindre traumatisme, restent un symptôme assez apparents.
Si autrefois cette peau qui se marque au moindre choc me complexait, aujourd’hui derrière chaque cicatrice qui ornent mon corps je vois toutes les fois où je me suis battue pour vivre. »
« J’ai commencé à avoir des problèmes d’épaule très jeune. Je me suis cassée la clavicule une première fois à l’âge de 2 ans, une autre à 5 ans et à 6 ans. Puis 2 entorses acromio-claviculaires ont suivi, l’une à l’âge de 7 ans, l’autre à 10 ans.
A la suite de tous ces traumatismes, et à cause de la fragilité et de l’hyperlaxité articulaire et ligamentaire dû au Syndrôme d’Ehlers-Danlos, mon épaule se luxait un nombre incalculable de fois par jour. Le moindre geste quotidien me provoquait une luxation. Et indépendamment des vives douleurs que cela occasionne, le cartilage de mon épaule commençait sérieusement à s’abîmer. J’ai alors dû subir une capsulo et ligamentoplastie de l’épaule afin de la stabiliser au maximum, pour mon 16 ème anniversaire. Malheureusement à cause de ma maladie génétique (qui n’était pas encore diagnostiquée à l’époque), quelques années plus tard mon épaule a recommencé à se luxer pluriquotidiennement, comme si je n’avais jamais subi d’intervention.
Il fallait donc ré-opérer à nouveau pour stabiliser l’épaule. Après quelques négociations avec le chirurgien sur les différentes options qui s’offraient à moi, nous avons finalement opté pour la butée coracoïdienne, qui consiste à venir greffer un bout d’os à l’avant de l’articulation, pour empêcher l’épaule de sortir de sa cavité.
Cette histoire aurait pu s’arrêter après cette seconde intervention, mais j’ai eu un problème avec les vis que l’on m’avait posé pour stabiliser la greffe. Je suis donc repassée sur le bloc opératoire une troisième fois, pour sortir les vis ! »
« Mon histoire pourrait se résumer à celle d’une fille malade, que les médecins ne croient jamais, et qui finit par être opérée en urgence. Lorsque l’on est une femme notre parole n’a que peu de poids face au monde médicale. Les médecins nous rétorquent que nous sommes stressées, que nous sommes douillettes ou que c’est à cause de nos règles, que c’est psychosomatique… Jusqu’au moment où le corps explose, et qu’il est trop tard… l’heure de l’intervention chirurgicale en urgence a sonné… Comme en témoigne mon nombril rapiécé.
Cette année là le Père Noël m’avait apporté l’appendicite, et forcément opérer une nuit de Noël ça embête ! Alors on a dit à mes parents que ce n’était pas urgent, que ce n’était pas une vrai crise, que ça pouvait attendre… résultat deux semaines plus tard j’ai fait une péritonite, et j’ai dû être opérée en urgence par coelioscopie. Mais après l’intervention j’ai fait une grosse infection post-opératoire, et je suis donc restée 15 jours de plus à l’hôpital sous antibiotiques, alors que tout ça aurait pu être évité si j’avais été opérée à temps…
Cette même histoire s’est encore répétée quand j’avais 24 ans, après des mois à souffrir le martyr, à m’entendre dire que c’est normale pour une femme d’avoir mal au ventre lors de ses règles, et j’en passe. Un jour où la douleur était plus insupportable que jamais, SOS Médecin m’envoie passer une échographie en urgence, où on me découvre unkyste dermoïde de 6 cm sur l’ovaire. J’ai donc passée ma soirée seule et perdue aux urgences gynécologiques à moitié désaffectées, au milieux des femmes enceintes accouchant, attendant de savoir à quelle sauce j’allais être cuisinée… le verdict tombe, il faut que je sois opérée très rapidement, car le kyste est prêt à se rompre, puisqu’on avait pas diagnostiqué le problème à temps…
Enfin les marbrures sur mon ventre sont encore une conséquence de toutes ces fois où j’ai dit avoir mal et où l’on ne m’a pas crue. J’ai souffert pendant des mois, errant sans diagnostic, avec de violentes douleurs digestives et perdant du poids de jour en jour… mais d’après les médecins c’était le stress. Le stress est un coupable tellement pratique pour un médecin, qui ne veut pas admettre qu’il ne sait pas ce qu’il se passe et qui refuse de déléguer à un collègue…
Après des mois à errer de médecins en médecins à la recherche de quelqu’un qui pourrait m’aider on me diagnostique une candidose digestive, s’étant transformé eninfection systémique chronique, ainsi qu’un syndrome de malabsorption intestinale et une pancréatite.
Puisque tout ça n’avait pas été diagnostiqué à temps encore une fois… et était aggravé par mon Syndrôme d’Ehlers-Danlos, expliquant la fragilité de mes tissus digestif, et mon immunodéficience…
En attendant j’avais perdu 10kg, n’en pesant plus que 35, mon ventre s’était complètement marbré sous l’effet des bouillottes que je m’appliquais (pourtant bien protégée dans des linges) pour essayer de calmer les crises douloureuses…

 

Trois ans après mon ventre a toujours cette drôle de physionomie, et même si les symptômes sont moindres je dois continuer à lutter contre l’infection systémique. »

 

 

« Pour ma neuvième opération, j’ai encore une fois dû être opérée assez rapidement car ma hernie s’était étranglée. A cause du Syndrome Ehlers-Danlos et de la fragilité des tissus qu’il occasionne, l’on ne pouvait pas m’opérer par cœlioscopie pour me mettre une grille comme il est d’usage, il a donc fallu m’ouvrir le ventre, et tout rapiécer tous les tissus déchirés un par un…
A mon réveil j’avais donc 10 cm de points de sutures sur le pubis, mais la taille de la cicatrice aussi impressionnant soit-elle à l’époque, n’était absolument rien face à l’immense plaie que cette intervention avait laissée dans mon âme. L’opération, qui ne s’était pas très bien passée, a fait naître en moi un violent stress post-traumatique, laissant remonter à la surfaces tous les événements médicaux désastreux et traumatiques que j’avais accumulés au fil des ans et que mon inconscient essayait de contenir tant bien que mal.
(Comme par exemple les nombreuses fois où j’ai été charcutée à vif, les anesthésie locales ne prenant pas sur moi à cause du syndrome d’ehlers-danlos, où les médecins se moquaient de moi, s’amusaient à me plier dans tous les sens juste pour divertir les étudiants avec mon hyperlaxité ligamentaire, et j’en passe.)
Bien qu’on en parle très peu, la maltraitance en milieu médical est bien réelle, aussi bien sur le plan physique, que psychologique.
Et quand on est atteint d’une maladie génétique rare, l’on est constamment confronté à cette maltraitance. Car les médecins en viennent fréquemment à nous traiter comme de simples rats de laboratoire, un sujet d’expérience inédit… sans même prendre le temps de nous parler, ou de nous expliquer ce qu’il se passe, quelles interventions ils vont pratiquer, où si nous sommes consentant, oubliant qu’il ont à faire à des personnes humaines… Et on en vient à tolérer l’intolérable sous prétexte que c’est pour notre santé…
Et malheureusement, notre condition médicale nous oblige bien malgré nous à être hospitalisés et charcutés encore et encore. Nous ne pouvons pas fuir, nous pouvons pas oublier, et jour après jour nous devons faire face à nos bourreaux.

 

Le jour de cette neuvième intervention mon univers a basculé dans un monde de ténèbres… où je dois sans cesse être confrontée à mon pire cauchemar… « 

J’espère que ces quelques fragments, répondront à certaines des questions que mon article « Guérir c’est un travail à temps complet » ou mes croquis ont pu susciter comme on me les a posé sur les réseaux sociaux. J’aurais malheureusement encore tellement d’anecdotes du genre à raconter, notamment au sujet de la maltraitance médical… c’est une réflexion qui m’occupe beaucoup actuellement.

Mais je suis heureuse d’avoir participé à ce projet étonnant qui m’a permis de raconter une petite partie de mon histoire, ainsi que des adorables remarques que j’ai pu avoir, suite aux photos publiées sur la page du projet:  Sigilí,, car j’ai toujours au fond de moi l’impression que j’ai pas le droit de parler de ces choses là. Un gros merci à Florence pour avoir imaginé ce projet, mais surtout pour sa bienveillance et gentillesse durant la séance photo.

Et j’en profite pour vous inviter à vous rendre sur les pages de ce projet afin de découvrir d’autres histoires de cicatrices!

Liens:
Facebook 
Site Web