Si la proposition de départ semblait toute aussi attrayante que la magnifique couverture créée par Paola Escobar, la lecture du roman m’a finalement laissé un avis mitigé… 

Pour situer le livre, il s’agit d’une réécriture se revendiquant haut et fort comme “féministe”, du conte d’Andersen :”La petit sirène . Il n’y a donc aucune surprise quant à la trame de l’histoire, hormis la fin qui diffère légèrement, le reste ne sera que des petits écarts et quelques ajouts sur le conte originel, nous ne sommes donc pas vraiment pris par l’histoire, ni happés par le suspense. 

Concernant l’écriture en elle même, c’était le premier livre de cette autrice que je lisais, je n’avais donc aucune attente particulière en commençant cette lecture, qu j’ai pu découvrir entièrement d’un oeil neuf. Et j’ai plutôt apprécié son écriture, qui si elle reste assez simple (et d’un anglais très abordable), elle parvient à incorporer des tournures de phrases et descriptions vraiment poétiques et oniriques dans son roman. 

Malheureusement c’est sur le contenu même du livre que mon avis se mitige plus. 

On suit donc ici les aventure de Gaia, notre petite sirène, fille du roi de la mer, dont la mère a tragiquement disparue quand celle-ci était bébé, et de laquelle a hérité sa fascination pour le monde humain. 
Le royaume sous marin est un archétype même de société patriarcale poussée à l’extrême. Le roi de la mer est d’ailleurs la caricature la plus représentative du mâle dominateur, qui n’existe que dans la destruction et la prise d’ascendant sur autrui, avide de pouvoir et de conquête. Et pour qui ses propres filles n’ont d’intérêt que par la valeur qu’elles lui apportent, mettant en avant leurs talents, afin que les sujets du royaume l’envie d’avoir des enfants aussi parfaites. N’hésitant pas à jouer et créer des rivalités entre ses filles, les montant les unes contre les autres, pour mieux les manipuler. Et plus que tout elles se doivent d’être les plus belles du royaume pour faire de bons mariages forcés avec des hommes de trois fois plus vieux qu’elles, d’importants hommes de la garde royale qui se sont illustrés par de hauts faits d’armes, ce qui confèrera là encore de une valeure accrue à leur père. Enfin le père a un comportement que flirt bon avec l’insceste, se revendiquant haut et fort qu’il coucherait bien avec Gaia si ce n’était pas sa fille…. 

Malheureusement les autres personnages masculins, restent grosso modo tous structurés sur le même moule archétypale. Là où dans une roman se revendiquant comme féministe, on aurait apprécier de voir justement l’autrice explorer d’autres types de masculinité, notamment au travers des personnages secondaires, (qui malheureusement ici restent tous plus insipides les uns que les autres…) Quant aux autres sirènes du royaume, ce sont elles de parfaites femmes soumises à leur père ou à leur mari, dont leur principale préoccupation est de satisfaire ce dernier. Ici les femmes n’ont pas droit à l’éducation, car quoi de mieux pour s’octroyer la soumission d’une personne que de la privé de ses facultés de réflexion. Et les rares femmes ayant un tant soit peut d’opinion et de réflexion sur la situation du pays sont les salkas et la sorcière des mers, qui mériteraient d’être beaucoup plus largement développer, pour nourrir un propos féministe plus fort. 

Ce qui nous donne finalement un récit qui se construit en opposant grossièrement les pauvres femmes soumises aux vilains hommes dominateurs, dont elles doivent apprendre à s’émanciper… une vision somme toute assez sommaire du féminisme, là où j’aurais plutôt préféré lire un message qui invite hommes et femmes à se comprendre mutuellement, et à travailler ensemble à un entente pour l’amélioration de leurs conditions….

Au final, on peut se questionner à savoir si cette revendication féministe à outrance du livre sur les réseaux sociaux, ne serait pas juste une belle occasion marketing de surfer sur une tendance actuelle, plutôt vendeuse? 

Malgré tout nuancer mon propos, je souhaiterais rappeler que le livre s’adresse avant tout à des adolescentes, et qu’il ne s’agit en aucun d’un livre sur l’histoire de la condition des femmes, ou un petit manuel de féminisme. Cela reste en effet un conte agréable à lire, qui se lit simplement et facilement, et j’ai plutôt même passé de bons moments au fil des pages. Alors ne cherchons pas forcément à lui en demander plus que ce qu’un conte est prêt à nous offrir. 

Enfin il faut lui reconnaître le mérite de soulever furtivement des questions telles que le poids de l’image et du corps dans la société actuelle, celle du droit à la beauté comme à la laideur, mais aussi celle du droit des femmes à l’éducation, à avoir une opinion et à l’exprimer librement…. Ce peut donc être un moyen très sympathique pour des jeunes filles (comme pour des jeunes garçons) de commencer à se poser ce genre de questions de société, autour des rôles et d’archétypes de genres, de ses dictats et leurs droits … en espérant que cette introduction à ces idées là, via le biais du conte, sera alors une porte d’entrée qui leur donnera justement envie de pousser leur réflexion sur ses sujets d’actualités

Vidéo Complémentaire:

Informations:

  • Éditeur ‏ : ‎ Scholastic; 1er édition (3 mai 2018)
  • Langue ‏ : ‎ Anglais
  • Relié ‏ : ‎ 320 pages
  • ISBN-10 ‏ : ‎ 9781407185538
  • ISBN-13 ‏ : ‎ 978-1407185538
  • Âge de lecture ‏ : ‎ 14 années et plus
  • Poids de l’article ‏ : ‎ 380 g
  • Dimensions ‏ : ‎ 14.6 x 2.9 x 20.5 cm